
Toucher au sacré de notre androgynie originelle

On me classe souvent sous l’étiquette à la mode de l’éco-fée-ministe, et j’avais aussi besoin d’en dénoncer les pièges. « Féminin sacré », « shakti Power », « vulve-nérabilité », cercles de femme, sorcière, chamane..si je reconnais ces mots comme partie prégnante de mon être et du feu qui m’anime, j’ai l’impression qu’on a travesti un simple pas-sage en ruisseau d’illusion et d’identités figées pour s’y noyer, confondant parfois une étape d’émergence et d’affirmation de nos potentiels avec une fin en soi.
À stagner dans nos blessures, à mettre à notre tour les persécuteurs de l’histoire au bûcher, ne finit-on pas par perpétuer le pattern historique de cette séparation entre l’homme et la femme ? à entretenir la croyance que nous ne sommes que des couches d’oignons à éplucher avant d’être libres, ne sombre-t-on pas dans l’illusion que demain sera plus propice au bonheur ?
Il est vrai, les cercles de femmes m’ont offert un lieu d’expression privilégié pour toucher au sacré de notre beauté féminine dans toute sa sensibilité cyclique, ses profondeurs et sa puissance créatrice. Mais le revers plus vicieux de l’unilatéral, c’est de s’y complaire comme dans un cocon et d’investir dans une auto-guérison sans fin, manipulant la réalité pour la refuser telle qu’elle est. Croire qu’on s’émancipe, qu’on s’empuissance de ce monde brut et abrupte ou qu’on existe enfin pour qui nous sommes, alors qu’on maintient la nostalgie du fœtus où tout est doux, nourricier, à notre disposition et à notre écoute. État de béatitude matricielle qu’on recherche tous inconsciemment, mais qui finit par nous priver de notre feu sacré, étouffé ou mal orienté dans la colère, dans le rejet ou dans la haine de l’homme, condamné à être un résidu du patriarcat. L’homme en quête d’initiation à son propre féminin intérieur risque d’être paumé et d’autant plus frustré dans ce climat exclusif du féminin, défiant, vindicatif et excluant .
Il n’est pourtant pas celui qui nous opprime ou nous égare, il est celui qui nous offre enfin le miroir de ce qu’il reste en nous d’inachevé. Il est celui qui peut nous montrer tout le feu qu’on refoule, tout ce qu’il est temps de brûler en nous pour renaître de nos cendres. On a une chance d’incarner les être accomplis et déjà complets que nous sommes quand on osera tenir la tension et les frictions entre nos deux polarites intérieures pour les unir et se relâcher enfin dedans plutôt que d’y résister ou de fuir l’une ou l’autre.
Intégrer le feu de notre énergie masculine ne signifie pas non plus s’oublier dans son travail, s’épuiser dans le rôle de la sauveuse pour éviter le face à face avec son vide intérieur, n’être que dans l’action et le contrôle pour masquer son impuissance face à la douleur de la defusion et aux mouvements insaisissables de la vie .
La guérison large et profonde ne peut passer que par l’inclusion, par la maîtrise intérieure plutôt que le contrôle extérieur, par la multiplication des initiatives collectives mixtes ouvrant à la rencontre et aux partages entre les polarités. L’avenir n’est pas à la revanche de la féministe belliqueuse frustrée, ni dans l’encensement du féminin sacré isolé de son pôle masculin tout aussi sacré, semeur, gardien et élévateur.